
Du développement durable dans nos assiettes
Alain GAVILLET, chef cuisinier au lycée Vaugelas de Chambéry (Savoie) depuis 2004 met du développement durable dans les assiettes. Il a profité pour cela de la volonté du Conseil Régional qui a financé des investissements importants, formé le personnel et mis en place des dispositifs innovants (ex : Mon lycée mange bio). Avec le soutien de l’ancienne équipe de direction (M ARAGAIN, proviseur et Mme SARLES, gestionnaire) comme de la nouvelle (M. BROYER, proviseur et Mme AUCLAIR-MOHAMADOU, gestionnaire) il a engagé l’établissement dans une démarche dont il retrace les grandes étapes :Au lycée Vaugelas l’aventure du développement durable a commencé doucement dans les années 2000 avec le tri. A l’époque tout partait dans la même poubelle et c’était envoyé à Chambéry métropole pour être brulé. On s’est dit que cela ne pouvait pas continuer comme cela et on a commencé à trier nos déchets : le papier, le verre, les déchets alimentaires.

Le bio
Ensuite, dans les années 2003, après que le tri sélectif était bien installé, on a commencé à réfléchir sur le bio. Je revenais d’Ardèche où j’avais beaucoup travaillé sur les produits bios dans les années 1990 et j’ai voulu retrouver ces produits là. Il y avait un réseau de produits bios qui se mettait en place sur Chambéry. On avait quelques ouvertures et on a commencé tout doucement. Le groupement d’achat des denrées alimentaires de la Savoie a construit son premier marché bio en 2006, avec des fournisseurs, des produits et des tarifs fermes pour l’année, ou pour le mois pour certains produits comme la viande et les légumes de saison. A partir de 2006, nous avons pu approvisionner les lycées et collèges de Savoie en produits biologiques.Les déchets
Une fois que le marché bio a fonctionné, nous sommes partis sur un autre projet qui était la gestion des déchets. Nous avons compris qu’à l’avenir, les déchets allaient nous être durement facturés et on s’est dit qu’il était temps d’y réfléchir. On a rencontré l’entreprise Tri-vallées qui nous a pris nos bio- déchets a moindre prix afin de faire du biogaz, de le transformer en électricité et de la revendre à EDF. Ils organisent la collecte des déchets alimentaires mais aussi le pesage ce qui nous permet d’avoir des chiffres sur la quantité de bio -déchets du lycée. C’est comme cela que, toutes les semaines, nous affichons notre pesage au self. Nous sommes actuellement au dessous de 90 g de bio déchets brut soit environ 70/80 g net par personne alors que la moyenne national est de 150 g /200 g net par personne.
Le gaspillage alimentaire
On s’est vite demandé comment on pouvait réduire notre gaspillage alimentaire. On a demandé à la Région Rhône Alpes et au Centre national de la Fonction Publique territoriale (CNFTP) de créer une formation sur le gaspillage alimentaire. Pendant 3 ans, nous avons participé à la création de cette formation en pesant nos déchets, en recevant les techniciens du CNFTP qui nous ont accompagnés, écoutés... Cela a abouti tout récemment à une formation nationale sur le gaspillage alimentaire destinée à tous les agents territoriaux français (collèges, lycées, écoles, maisons de retraite...). Cela permet de prendre la mesure du gaspillage alimentaire d’un point de vue économique, écologique, mais aussi du travail fourni pour rien.Les salariés
En terminant cette formation, on s’est aperçu que tous les leviers qui permettent d’agir sur le gaspillage alimentaire sont des facteurs du développement durable. Et on s’est dit que nous pouvions étendre cette démarche de développement durable dans le domaine de la formation managériale. Il faut reconnaitre que le management habituel n’est pas forcement vertueux et que, dans les équipes, il ya un gros turn-over. Il fallait pousser notre démarche jusqu’à l’intérieur des équipes pour que toute le monde y trouve un sens. On a réfléchi à l’utilisation des outils, aux nouvelles techniques de cuisson qui sont des cuissons à basse température, de nuit, avec une faible consommation d’énergie. Cela nous permet aussi de faire des cuissons sur 24 heures voire 48 heures alors qu’on avait l’habitude de travailler sur des périodes de 8 heures. Cela nous permet d’avoir des horaires de travail plus souple , ce qui est un avantage pour l’individu car cela nous permet d’adapter les horaires à la personne, à son lieu d’habitation à son mode de transport ... et non plus de contraindre les personnes d’être toutes présentes à 6 heure du matin et de toutes finir à 14h30. Je pense qu’à partir de 2017, il va y avoir de nouvelles formations proposées par le CNFTP la dessus.Le futur proche : plats végétariens et circuits courts
On pourrait proposer un nouveau type d’alimentation pour l’élève. On est en train, au lycée Vaugelas, d’envoyer des petites sondes sur les régimes spéciaux ou sur de nouveaux modes de consommation de plus en plus fléxitarien. L’idée serait d’avoir 20 fiches techniques de recettes 100% végétarienne à proposer très régulièrement, des plats qui plairaient tellement que les élèves les préféreraient à ceux à base de viande. On commence par jeter des sondes (on a de très bons retours) puis on formalisera, puis on créera peut être de nouvelles formations. Dans un futur proche, suite, entre autres, à des demandes politiques, on va mettre le développement durable dans le réseau d’approvisionnement avec des producteurs plus proches de nous en terme géographique mais aussi en termes de compréhension de ce qu’on fait et de ce qu’ils font. Une fois que l’on va commencer à mieux à se connaitre, on va peut être pouvoir s’organiser un peu mieux. Il se peut que dans les 10 prochaines années, on puisse programmer nos consommations de fruits et légumes sur l’année, en sachant qu’en septembre, il nous faut tant de tonnes de tomates, tant de kilos de salades et qu’on puisse s’entendre avec des agriculteurs locaux qui, de leur coté, pourront programmer leur production. On commence, on jette des sondes. Il y a des retours positifs. Il y a des agriculteurs qui commencent à s’organiser. Les plateformes de distribution de produits biologiques fonctionnent de mieux en mieux sur Chambéry. En Haute Savoie, un atelier de prétraitement de légumes est en train de sortir de terre. Les agriculteurs vont apporter leurs légumes qui seront lavés, tranchés et préparés pour nous. On va les recevoir frais et prêts à être utilisé ce qui va nous permettre d’avoir accès à des produits de qualité, frais et locaux mais aussi de soulager l’équipe du lycée de ce travail un peu ingrat de préparation.Le développement durable on s’est aperçu d’une chose, c’est que chaque fois qu’on a lancé quelque chose on n’est jamais revenu en arrière. C’est des étapes, quand elles sont passées, plus personne ne veut revenir en arrière. C’est tellement du bons sens qu’une fois que c’est installé, ca ne peut que se valider avec le temps.
Alain GAVILLET
Chef cuisinier
Lycée Vaugelas
Chambéry